Les propositions des usagers

pour « réoxygéner » le rail

 

Suite aux dysfonctionnements intervenus en fin d’année sur les lignes TGV, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) a présenté le 11 février des propositions pour relever le niveau du rail. Même si l’association accompagne des actions contentieuses de voyageurs à l’encontre de la SNCF, il ne sert à rien selon elle d’accabler systématiquement l’entreprise publique, car aucun progrès ne saurait être réalisé sans un retour approfondi sur les vraies raisons du mal-être du rail. En premier lieu, celui-ci serait dû à l’état des infrastructures, dont la dégradation s’accentue, débouchant parfois sur des suspensions complètes de trafics (à Montluçon, dans l’Allier). Appauvrissement du maillage du réseau, saturation d’axes ne bénéficiant pas des mêmes progrès techniques que nos voisins anglais ou allemands, perturbations climatiques, actes de malveillance… assombrissent un peu plus le tableau.
> A cela s’ajoutent des contraintes institutionnelles. « D’un seul interlocuteur à une époque, à savoir l’Etat, la SNCF s’est retrouvée en quelques années au centre d’un système complexe qui la conduit à multiplier les interlocuteurs, que ce soit les collectivités depuis la régionalisation ou Réseau ferré de France depuis 1997. En brisant la pensée unique et le monopole d’expertise ferroviaire de la SNCF, RFF a aussi dispersé les compétences, généré des doublons et encore plus rigidifié un système qui l’était par nature », avance Jean Sivardière, président de la Fnaut.

Concurrence féroce

Sur le plan politique, l’association regrette que le manque de coordination et de priorités fixées au niveau local aboutisse à des approches contradictoires. Par exemple en région Bretagne, où le projet de développement des cars express ferait de l’ombre au TER existant, pourtant réputé pour son bon fonctionnement. Les autres modes concurrencent aussi férocement le rail. « Ils bénéficient d’avantages – kérosène des avions non taxé, sécurité routière et filière automobile massivement supportées par la collectivité, décret 44 tonnes musclant la compétitivité du camion – alors même que le financement du rail n’est pas pérenne et souffre de sous-investissements chroniques, avec des promesses de contrats de plan Etat-régions non respectées et une dette qui, à l’opposé du cas allemand, continue de courir car elle n’a jamais été apurée par l’Etat », ajoute Jean Sivardière.

Favorable à l’instauration d’écotaxes à même d’abonder le financement du mode ferroviaire et de comités de ligne ferroviaire ne se limitant pas aux seuls TER, la Fnaut va plus loin et suggère que la SCNF « révise sa stratégie traditionnelle de repli et dynamise ses activités non rentables (trains Corail, wagon isolé) au lieu de les élaguer après les avoir asphyxiées, réintroduise des réserves de personnel et de matériel disponibles pour limiter les perturbations en cas d’incident et lors des pics de trafic et améliore sa qualité de service ». Pour RFF, l’ordonnance est moins longue : il lui est prescrit de « revoir son organisation des travaux et le rythme d’introduction du cadencement du TGV, qui perturbe le fonctionnement des services régionaux ». Enfin, pour les collectivités, le défaut d’une approche cohérente et la concurrence entre modes de transport subie ne sont pas les deux seuls obstacles. « La clé du problème est le financement. Avec des budgets presque partout contraints voire très contraints, comment fiabiliser rapidement l’exploitation tout en modernisant les infrastructures ? » L’association propose dans ce sens de faire des économies sur les dépenses routières et aéroportuaires, d’étendre le versement transport (VT) des entreprises à l’ensemble du territoire et de dégager de nouveaux moyens « en rapprochant la fiscalité du gazole de celle de l’essence, en taxant le kérosène consommé sur les vols intérieurs et en créant, dans l’esprit du Grenelle de l’environnement, des écoredevances sur les trafics autoroutier et aérien ».